A Erna et Paulette.
Enfant, il y avait ces images emprisonnées dans une boite à chaussures, ces vies de papier que je me délectais de libérer, de découvrir et de redécouvrir maintes fois sans jamais me lasser, ces inconnu.e.s dont je faisais, défaisais et refaisais l’histoire et dans ce bazar de l’enfance à la fois heureux et douloureux, je trouvais l’imaginaire comme survie. Dans le mélange de mémoire et d’oubli propre à toutes les familles ballottées par le vent de l’histoire, je laissais advenir ce qui était caché derrière les non-dits de mon père, ses larmes devant cette photo dentelée comme un Petit Lu et qui criait la vie .Il ne m’a jamais parlé d’Erna et Paulette, et pourtant j’ai toujours su.
« Sans doute la Shoa est-elle irréductiblement ce trou noir au milieu de nous. Que faire devant ce trou noir, avec ce trou noir ? Laisser le trou noir nous miner de l’intérieur, muettement, absolument ? Ou bien tenter d’y faire retour, de le regarder, c’est-à-dire de le mettre en lumière, de le sortir du noir ? [….]Une image qui sort du noir, c’est une image qui surgit de l’ombre ou de l’indistinction et qui vient à notre rencontre »
Georges Didi- Huberman : Sortir du Noir (les éditions de Minuit 2015)